Le coeur de la synthèse

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Psychosynthèse et psychopathologie par le Dr. Massimo Rosselli psychiatre

Psychosynthèse est une abréviation du terme Biopsychosynthèse, plus complet et correct, qui intègre le corps dans le processus psychosynthétique. Par conséquent, psychopathologie est une définition trop limitée de la pathologie ou de la souffrance qui se manifeste dans l'unité multi-niveaux corps - esprit - transpersonnel de l'être humain, en lien avec l'impact relationnel et social qui crée les différentes variétés de symptômes. En fait, la phénoménologie du type de souffrance nommée "pathologique" doit être distinguée de la douleur ou souffrance physiologique. Cette dernière est une composante naturelle de la condition humaine et peut être sans défense et passer, bien que, dans certains cas, elle puisse être extrêmement intense et même insupportable.

D'autre part, la pathologie concerne particulièrement la souffrance liée aux défenses que l'homme construit afin de se protéger de la pleine expérience des blessures et des souffrances afférentes au niveau de la psyché et du corps. Celles-ci s'exprimeraient autrement par le biais de la personnalité et de l'affect et modifieraient le corps, les émotions, l'esprit, le comportement et les relations (défenses relationnelles).

Les défenses de l'homme plus les expressions de la multiplicité de sa nature humaine (les fonctions qui couvrent les différentes typologies, les parties conflictuelles, les sous-personnalités ou polarités, les besoins, désirs, qualités et potentiels des dimensions transpersonnelles et la direction du Soi) créent le tissu complexe de ses symptômes.

Finalement, la pathologie, qui a la même racine que passion (du grec "pathos"), peut être considérée comme une "passion gelée" où l'intensité de la souffrance, mais aussi les désirs, les sentiments et le pouvoir, sont paralysés dans l'individu par ses défenses, et implique aussi son environnement.

Sans oublier, mais plutôt en respectant la perspective extrêmement versatile et multiforme adoptée par la psychosynthèse, je crois qu'il serait intéressant et important de dégager quelques points fondamentaux dans l'intention d'une contribution aux lignes directrices synthétiques de la psychopathologie.

La synthèse est peut-être le principe plus spécifique et le plus caractéristique de toute la théorie et la pratique de la psychosynthèse. Chaque étape du voyage de la vie a ses conflits et sa vulnérabilité, et diverses pathologies peuvent y être incluses, associées à ces étapes.

Assagioli parle de la psychosynthèse des âges et de conflits caractéristiques de chaque âge, ainsi que de conflits entre les âges et du travail d'intégration des âges antérieurs avec les suivants, selon un processus que l'on pourrait décrire comme évolutif, une synthèse en expansion autour d'un centre d'identité, harmonisant la multiplicité interne et externe en une unité. Les diverses énergies qui tentent de se manifester dans ce processus, de concert avec les blocages et défenses produits par les forces conflictuelles et les blessures traumatiques liées à l'impact avec l'environnement, créent, d'un certain point de vue, les représentations de la pathologie dans la psyché et dans le corps, bien qu'elles soient spécifiques de l'être entier à chaque étape d'une synthèse.

Je veux formuler ici une hypothèse spécifique de la psychosynthèse sur le sujet complexe de la psychopathologie. À chaque moment ou étape du voyage de vie d'un être humain, une synthèse se crée entre les différentes parties de son être : niveaux de l'inconscient et du conscient, le Je et le Soi, les sous-personnalités, les fonctions et les structures corps - esprit, les défenses et les potentialités, etc. (cf. figure ci-dessous). Comme un vecteur, la synthèse est le résultat de l'interaction entre ces différentes sources, construisant des représentations plus saines ou provoquant les symptômes d'une maladie. Ce dernier cas est l'expression d'une intégration ou d'une synthèse imparfaite et pathologique.

Oeuf de la Psychosynthèse

 

1. Inconscient Inférieur

2. Inconscient Moyen

3. Inconscient Supérieur ou Supraconscient

4. Champ de Conscience

5. Soi Conscient ou Je

6. Soi Supérieur, spirituel (transpersonnel)

7. Inconscient Collectif

Le schéma de la personnalité en Psychosynthèse

Wilber, dans son intelligente et excellente mise en système du spectre de la conscience et de son voyage, a relié un tel cadre à différentes psychopathologies définies comme pré-personnelles, personnelles et transpersonnelles. On ne peut nier que certains conflits soient plus enracinés dans certaines dimensions que dans d'autres, appartenant, au moins dans une certaine mesure, aux blessures de la personnalité en développement ou à une crise ou une souffrance existentielle plus tardive générée par un afflux débordant d'énergies transpersonnelles. Toutefois, une telle division, - c'est à dire qui situe indiscutablement les syndromes de la psychose et de l'état borderline parmi les pathologies pré-personnelles, les syndrômes de type névrotique parmi les pathologies personnelles et les dénommés troubles liés à la réalisation du Soi (R. Assagioli) ou aux émergences spirituelles (S. Grof) parmi les psychopathologies transpersonnelles - semblerait plutôt être basée sur la division entre ces dimensions. Même si Wilber, par exemple, inclut la présence de phénomènes transpersonnels et, comme d'autres auteurs, admet l'existence de canaux mixtes dans un modèle intégré et synthétique de l'être humain.

Dans chacune des descriptions d'une pathologie, il est important de reconnaître les influences coexistantes à tous les niveaux, soit selon le point de vue de sa cause ou de celui de sa perpétuation et de sa résonance en feedback avec d'autres dimensions d'une pathologie réexistante.

La théorie et l'approche de la psychosynthèse sont notamment fondées sur les relations ; non seulement extérieures, mais aussi les relations et connexions intérieures. Par exemple, si nous considérons la théorie des sub-personnalités, nous pouvons voir la séparation et le processus de fragmentation en jeu. En même temps, il existe un appel à la relation entre les sub-personnalités, avec une éventuelle interaction, transformation, intégration et synthèse.

Le même principe d'interactivité s'applique aux vecteurs de la personnalité corps / esprit / émotions, à la dualité entre le Soi et / ou le Transpersonnel et la dimension personnelle, aux interactions entre les fonctions psychiques (c'est-à-dire sentiments, volonté, imagination, mental, etc.). Une distorsion ou un défaut d'interaction entre ces parties contribue à la pathologie.

La théorie des Relations d'Objet fournit une base intéressante pour la compréhension de la multiplicité intérieure et même la formation éventuelle des sub-personnalités. Toutefois, en psychosynthèse, il est préférable de parler d'une "théorie sujet / relation", étant donné la relation du Soi avec les différentes parties et dimensions (conscientes et inconscientes). Le Soi - dans ses deux niveaux et expressions : personnel et transpersonnel - est, selon l'hypothèse psychosynthétique, présent tout au long du voyage de la vie humaine. Il n'est pas soumis au développement, comme la personnalité égoïste, et il est donc structurellement relié à l'environnement intérieur et extérieur, résident permanent - non pas objectivement, mais subjectivement. Le Soi est en fait perçu également comme sujet, dans une relation sujet / sujet. Il est défini par Assagioli comme une réalité ontologique,l'essence de l'homme et en tant que tel, participe dès le début de l'existence aux difficultés et aux blessures traumatiques autant qu'aux expressions positives de la vie.

Si le dessein du Soi est de manifester, incarner et réaliser les qualités spécifiques et uniques dans l'essence de l'homme, on peut comprendre pourquoi il est si facilement blessé quand il n'est pas satisfait dans sa présence fondamentale, ici sur terre. Récemment, on a pu entendre de plus en plus fréquemment le terme : "blessures de l'âme". L'âme ici désigne le visage humain de l'essence de l'homme, un esprit incarné participant aux évènements humains tout au long de la vie. Dans les étapes précoces de la vie particulièrement (y compris le stade embryonnaire), le Soi joue un rôle majeur. Avec ses dimensions transpersonnelles et archétypalesdont l'enfant n'est pas conscient, il est plus transparent, ouvert et sans défense. Ceci parce que la personnalité de l'enfant n'est pas encore pleinement structurée, et cela juste au moment où il peut être si aisément blessé. Les dénommées Blessures Primales sont infligées historiquement pendant les premières années de vie, mais envahissent la personne tout entière, la blessant en son sein même, le terrain primal, et usurpant son droit individuel à l'existence. En psychosynthèse tout comme dans la psychologie transpersonnelle, on fait la distinction entre le caractère régressif des symptômes liés aux blocages, obsessions ou conflits à l'intérieur de la personnalité et entre la personnalité et l'environnement, et la dénommée pathologie progressive liée aux difficultés rencontrées sur la voie de la Réalisation du Soi dans le contact avec les énergies de la dimension transpersonnelle et les problèmes soulevés par leur impact sur la personnalité. Il est extrêmement important, mais pas aisé, de faire la distinction entre les deux. Les symptômes psychotiques, névrotiques, dépressifs, psychosomatiques, etc.) peuvent être similaires dans les deux cas. Ils durent généralement moins longtemps dans la psychopathologie transpersonnelle et ils sont signes d'une personnalité mieux intégrée. Une interprétation correcte de la situation et une communication appropriée avec la personne concernée changent l'approche psychothérapeutique et psychiatrique.

Considérant ce qui a été souligné ci-dessus - à savoir que l'homme est toujours intégralement présent, même si certaines parties clament leur inconfort plus fort que d'autres, je veux maintenant ajouter que les situations mélangeant les aspects régressif et progressif sont le plus souvent rencontrées dans la pratique clinique. La présence dans la psyché de dualités archétypales souvent non-intégrées et divisées joue un rôle important dans la formation des divers types de pathologie. A côté de l'axe régression / progression, nous devons aussi noter unité / séparation, masculin / féminin, logos / éros, individualité / universalité, retenir / laisser couler, etc. Tous peuvent être polarisés, séparés ou connectés, et réintégrés pour conduire à une synthèse. Certainement, la conscience et la considération de ces dualités libèrent les langages des inconscients collectif et transpersonnel, révélant une interaction de ces dimensions avec l'histoire personnelle. La psychopathologie peut aussi être envisagée d'un point de vue synthétique en considérant les différents types qui cartographient l'être humain selon diverses combinaisons de fonctions : sept fonctions prédominantes, couvrant sept types humains principaux (Assagioli). La psychopathologie est influencée par des typologies et contribue en retour à leur mise en forme et à leur modification, notamment pour les structures caractérielles qui sont des typologies plus des défenses qui rigidifient les diverses énergies humaines en un compromis entre l'environnement et les blessures humaines grâce aux vecteurs corps / esprit.

Cette manière fonctionnelle / typologique et caractérologique de considérer la pathologie crée une approche utile et globale de ce que Assagioli a défini comme la "psychologie différentielle".

Les images des structures caractérielles classiques - qui peuvent varier depuis de simples styles et stratégies opérant dans le monde d'une manière compensatoire, jusqu'à de lourdes manifestations pathologiques non-compensées - peuvent être revues au sein de la psychosynthèse, donnant la place au Soi et au transpersonnel dans la construction du caractère, ainsi que dans le développement de la personnalité. Les dimensions transpersonnelle et personnelle réunies donnent forme à la pathologie clinique renforçant réciproquement la phénoménologie des symptômes et ouvrant la voie à diverses sources de pathologie et de santé, de blocages et de potentialités. Par exemple, l'hypothèse que les désordres affectifs (dépression, etc.), liés de toute évidence à la typologie "amour", peuvent donner la parole à la douleur de la perte et aux besoins insatisfaits tant au niveau personnel que transpersonnel ; et la compulsion / obsession, exprimant de manière pathologique la typologie organisationnelle, n'est-elle pas renforcée par les besoins ritualistes du transpersonnel ? De plus, si nous considérons, par exemple, les phénomènes schizoïde ou borderline, nous ne pouvons que relier ces pathologies à des blessures précoces durant le stade de développement qui, de toute façon, ne sont pas seulement celles de la personnalité mais aussi celles du Soi, de l'essence, comme nous l'avons dit plus haut, créant ces soi-disant "blessures de l'âme". D'un autre côté, l'épanouissement complet et la manifestation des symptômes sont supportés et accrus par tous les niveaux. On peut observer cela lorsqu'on examine la perméabilité des psychotiques et des cas borderline aux influx d'énergies transpersonnelles et collectives, apparaissant de manière authentique, mais conduisant ensuite à des divisions douloureuses et une souffrance au niveau des défenses.

La même chose s'applique aux diverses psychopathologies ou "pathologies psycho-somato-sprituelles", pour en donner une définition complète.

Les limites de ce bref exposé ne permettent pas d'aller en détail dans le sujet, mais il y a actuellement, plusieurs études et observations en psychiatrie et en psychopathologie qui sont orientées selon le point de vue psychosynthétique.

En conclusion, je voudrais résumer le voyage humain - qui est toujours un voyage vers la réalisation de soi, parallèlement dans la personnalité et dans le Soi - comme ayant certains droits et besoins fondamentaux qui doivent être satisfaits et respectés. Nier ou négliger ces besoins est une blessure à l'être humain tout entier, en son sein même, donnant naissance à la psychopathologie et atteignant la plus profonde des essences humaines, l'Âme ou le Soi. Les diverses typologies conditionnent des réponses différentes aux blessures en tant que compromission, suppression ou négation de ces droits. Sur l'un de ces droits particuliers, des styles typologiques différents sont sollicités et réagissent, avec leurs défenses, créant ainsi un tableau complexe de psychopathologie caractérologique. Comme dans le cas d'une tapisserie, cela ne sera jamais complètement satisfaisant, même avec un étiquetage génial. Les besoins fondamentaux du Soi, reflétés et diffus dans la personnalité, réclameront d'être présents, bien formés et avec des contours ; le droit d'être désiré et d'être contenu ; d'être heureux et de s'exprimer ; d'être entendu, vu, senti et respecté ; d'être en relation et cependant d'affirmer son pouvoir ; le droit d'être, au sens propre.

Les approches thérapeutiques et cliniques doivent atteindre cet épiderme profond afin de pouvoir effectuer la guérison, et apprendre encore et encore, personne après personne, quel voyage mystérieux et unique est le Voyage du Soi, avec tous ses codes, à travers la pathologie.

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